Côté pile, des matches prestigieux disputés lors de la Coupe du monde de football. Côté face, des manifestations violemment réprimées et une convocation devant le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU le 24 novembre. Tel est le double visage de l’Iran. Lequel est le plus authentique? Pour les chrétiens sur place, tout est si contradictoire... 

Ambivalences

Entre arrestations, condamnations et amnisties, le régime envoie des signaux ambivalents. Mi-octobre, deux chrétiens, détenus de longue date à la prison Evin, ont été graciés et libérés. Nasser Navard Gol-Tapeh, a passé presque cinq ans en prison. Fariba Dalir était détenue depuis Pâques 2021, soit 200 jours.

Mais en août, deux mois plus tôt, quatre chrétiens ont été condamnés à des peines allant de six à dix ans de prison. Ils avaient tous été arrêtés lors de «raids» organisés par les autorités pour démanteler des églises de maison.

Menace ou pas? 

Traditionnellement, quand des chrétiens iraniens se réunissent en églises de maison, les tribunaux considèrent qu’ils appartiennent à «un groupe perturbant la sécurité du pays» (articles 498 et 499 du code pénal). De fait, seules les minorités ethniques assyrienne et arménienne ont le droit d’avoir des lieux de culte. À condition de ne pas célébrer d’offices en langue perse. Conséquence: les iraniens persanophones convertis au christianisme n’ont aucun lieu de culte autorisé et peuvent se retrouver… en prison pour cinq ans.

Pourtant, il y a un an, une décision surprenante de la Cour Suprême avait fait naître une lueur d’espoir. Dans un arrêt du 3 novembre 2021, la plus haute juridiction du pays avait estimé que le fait d’appartenir à une église de maison, tout comme le fait de propager le christianisme, ne violait pas le code pénal islamique! Suite à cette décision historique, neuf chrétiens avaient été acquittés: la Cour d’appel de Téhéran avait estimé que le fait d’être chrétien, même converti, ne constituait pas une menace pour la sécurité du pays.

Alors, pourquoi ces lourdes condamnations en août 2022? Et ces deux grâces inespérées en octobre? Le mystère reste entier.

Intolérance d’État

Quoi qu’il en soit, les défenseurs des droits de l’homme restent vigilants. Huit d’entre eux ont récemment demandé au nom de l’ONU l’arrêt des persécutions contre les minorités religieuses et la décriminalisation du blasphème. Ils ont dénoncé une «intolérance d’État qui favorise l’extrémisme et la violence».

De même, le directeur du centre de documentation des droits de l’Homme en Iran, Shahin Milani, a exprimé ses inquiétudes. Il a déclaré à la Commission de la liberté religieuse internationale des États-Unis qu'«attaquer les minorités religieuses sur la base de leur foi n’a pas d’effet sur les Iraniens ordinaires.» Alors les autorités iraniennes qualifient les chrétiens de «sionistes» à la solde d’Israël, ou «d’espions étrangers», pour ruiner leur réputation auprès de leurs concitoyens. Une rhétorique désormais largement employée contre les manifestants anti-régime eux-mêmes, y compris musulmans. Mais pour combien de temps encore?