Le gouvernement kirghize prépare une nouvelle loi sur les religions qui inquiète beaucoup la minorité chrétienne. Dans ce pays à 87% musulman, l’État est strictement laïc... mais souhaite contrôler de près les activités religieuses. Ainsi, un projet de loi en discussion au Parlement prévoit que les cultes doivent se faire enregistrer auprès des autorités tous les cinq ans. Aujourd’hui, cette autorisation est difficile à obtenir, mais une fois qu’elle est accordée, elle n’est plus remise en question. La nouvelle remettrait les compteurs à zéro tous les cinq ans. Et ce n'est pas tout: pour pouvoir s’enregistrer officiellement, une église devrait présenter cent signatures de membres présents sur le même territoire géographique.

Crainte de représailles

La communauté chrétienne est inquiète: «Aujourd’hui, les citoyens kirghizes peuvent donner leur signature pour déclarer une église partout dans le pays. Mais la nouvelle loi prévoit que seuls ceux habitant dans la localité concernée le pourront désormais. Nous avons déjà du mal à trouver 100 membres qui acceptent de donner leur signature aux organes étatiques, mais s’ils doivent tous habiter la même région...» se désole un témoin protestant.

Et pourquoi ces signatures sont-elles si difficiles à obtenir? Les personnes sollicitées craignent des représailles de la part de l’État, d’être mises sur écoute ou que leurs vies privées ne soient étroitement surveillées. Jusqu’à présent, les églises qui n’étaient pas officiellement déclarées se réunissaient discrètement dans des maisons et les autorités les laissaient tranquilles. Ce qui faisait du Kirghizistan, classé seulement n°59 de l’Index Mondial de Persécution des Chrétiens 2023, un des pays les plus tolérants d'Asie Centrale. Mais désormais, l’officialisation de l’existence des églises devient plus contraignante. Un autre protestant en conclut:

«Les autorités veulent limiter notre activité religieuse au strict minimum.»

Discours de haine

Si les chrétiens sont si réticents à donner leur signature pour enregistrer une église, c’est aussi parce qu’ils sont dans le collimateur de certains imams radicaux. Et que les convertis ayant quitté la religion musulmane subissent de fortes pressions de la part de leurs familles. Récemment, des discours de haine contre les chrétiens ont été diffusés sur les réseaux sociaux: ces vidéos appelaient les Kirghizes à entrer dans les églises au moment des cultes pour filmer ou photographier les participants et diffuser l’image de leurs visages sur Internet.

Harcèlement familial

Mais souvent, la persécution numérique n’est même pas nécessaire. Le harcèlement familial fonctionne à plein régime avec ou sans technologie. Mahri, par exemple (pseudonyme), est une jeune fille de 24 ans, qui a perdu ses deux parents. Elle a dû habiter avec sa tante, suite au décès de sa mère chrétienne. Sa tante lui interdit d’aller à l’église ou de fréquenter des chrétiens, et la harcèle pour savoir ce qu’elle fait et où elle va dès qu’elle sort de la maison. Elle n’a même plus le droit d’aller à l’école. Avec la nouvelle loi en préparation au Parlement kirghize, la vie de Mahri et des autres chrétiens n’en deviendra que plus difficile encore.

Source: Forum18