Le 16 août dernier, une foule de plusieurs milliers d'extrémistes a attaqué le quartier chrétien de la ville de Jaranwala (Pakistan), détruisant à l’acide puis au feu une vingtaine d’églises et des dizaines d’habitations. La police a arrêté 160 personnes ayant participé à l’attaque, et l’État a versé deux millions de roupies (6.200 euros) aux victimes, au nombre d’une centaine de familles. Mais leur reconstruction physique, psychologique et spirituelle sera longue et difficile, tant le traumatisme est profond.

Des scènes de guerre 

Des partenaires de Portes Ouvertes sont allés sur place pour recueillir la parole des survivants. Ils décrivent des scènes de guerre. Rehana Bibi (pseudonyme) raconte: «Certains ont fui la ville en voiture, en moto ou en bus. Mais la plupart d’entre nous se sont enfuis dans les champs de canne à sucre. Il faisait sombre, c’était dangereux, mais c’était le seul endroit qu’il nous restait. Et nous n’avions aucun espoir de revenir chez nous puisque des flammes s’élevaient dans l’air, devenu opaque au-dessus de nos têtes. Nous regardions, assis, désespérés, et essayions de protéger nos bébés avec nos propres corps.» Pour Rahid, qui travaille dans ces plantations:

«C’était terriblement traumatisant. Ils (les extrémistes) menacent tout, même notre dignité.»

Accusation de blasphème

À l’origine de la folie destructrice de la foule, une accusation portée contre deux chrétiens qui auraient arraché deux pages d’un coran. La foule s’est alors mise en mouvement, rythmée par quatre vagues de déferlement successif: «Un premier groupe d’hommes courait pour casser les portes, suivi d’un deuxième qui aspergeait tout d’acide. Un troisième arrivait pour emporter tout ce qui pouvait encore être vendu, puis un quatrième venait récupérer tout ce qui pouvait encore rester», raconte un témoin. Il précise: 

«Cet acte terrifiant avait pour objectif de répandre la terreur parmi tous les chrétiens de Jaranwala et du Pakistan.»

Dans cette ville de 120.000 habitants, on compte seulement 5.000 chrétiens. Aujourd’hui, les églises y sont détruites, les croix réduites en morceaux, un cimetière a été profané. Des colonnes de bibles empilées les unes sur les autres ont été brûlées. Le tout formait un brasier toujours actif, trente heures après avoir été allumé! 

Debout au milieu de cette scène de désolation, Serena, une chrétienne locale, serre contre son cœur un morceau de croix: «Ils ne connaissent pas notre secret. Cette croix se trouve ici», affirme-t-elle en montrant sa poitrine. 

Visages et regards hagards

Le plus incroyable est que, dès le dimanche suivant l’attaque, les chrétiens se tenaient au milieu des décombres. Ils étaient de nouveau réunis pour célébrer leur culte et adorer leur Dieu. De nombreux croyants ont d’ailleurs afflué du reste du pays en soutien, comme le pasteur Faryad (pseudonyme) par exemple. Il décrit des visages et des regards hagards, marqués par «le trouble et la terreur de ceux qui viennent de traverser les pires événements de leur vie.» Un autre chrétien présent ce jour-là précise: «La douleur de l’attaque remplissait leurs regards, leurs chants et leurs larmes à mesure qu’ils chantaient et qu’ils exprimaient la souffrance de ce qu’ils venaient de vivre.»

Les partenaires de Portes Ouvertes sur place s’inquiètent du syndrome de stress post-traumatique qui risque de se répandre dans les mois à venir: «l’anxiété, la dépression, la panique, la faim, la maladie et la consommation de substances illicites» en sont les symptômes. Ils nous invitent à prier pour que cette croix inscrite au fond du cœur des chrétiens de Jaranwala leur donne la résilience dont ils ont besoin. 

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