Lorsqu’elle était bébé, Fida a dû fuir Mossoul comme Jésus avait fui la Judée avec ses parents. À 11 ans, l’histoire de cette adolescente met en voix celle des chrétiens déplacés d’Irak.
Dans un salon irakien, un sapin de Noël surmonté d’une étoile colorée se dresse dans un coin de la pièce. Fida, 11 ans, la regarde avec attention: «Cette étoile nous rappelle celle que les mages ont vue au-dessus de Bethléem. Ils ont suivi l’étoile et ont trouvé Jésus.»

Fida a dû fuir la ville de Mossoul, en Irak, alors qu’elle n’avait que deux mois. Salim, son grand-père, se souvient de ce jour avec douleur.
Un souvenir douloureux
Salim peine encore à mettre des mots sur ce que sa femme Bushra, ses enfants Fawaz et Fatin, et lui-même ont vécu: «Nous ne pouvons pas parler de ce qui s’est passé en 2014, lorsque nous avons dû fuir Mossoul. Ce fut un jour très sombre.»
Avant même que l’État islamique ne prenne le contrôle de Mossoul cette année-là, la vie était déjà difficile pour les chrétiens. Les extrémistes et les réseaux criminels avaient fait des menaces et du chantage leur moyen principal d’extorquer de l’argent.
C’est ce qu’a vécu la famille de Fida. Par deux fois, ses grands-parents ont été victimes de chantage. La première fois, sous la menace de l’enlèvement de Fawaz, son père; la seconde, sous la menace de l’enlèvement de Fatin, sa tante. La famille avait alors dû payer plus de 8.000€ pour garantir sa sécurité.
L’année 2014, le point de bascule
À l’arrivée de l’État islamique en Irak en juin 2014, la situation ne s’est pas immédiatement aggravée pour les chrétiens, même si les violences à leur encontre dans la région de Ninive s’étaient multipliées durant les années précédentes.
Des commerces avaient été attaqués à la bombe dans plusieurs villes, des enlèvements et des assassinats avaient eu lieu. Les chrétiens portaient encore le deuil de l’attaque contre l’église Notre-Dame du Salut à Bagdad, le 31 octobre 2010, au cours de laquelle 58 personnes avaient été tuées.

Très vite cependant, le sentiment que quelque chose n’allait pas s’est installé. «Après deux ou trois jours, les militants de l’État islamique sont venus inscrire la lettre ن [n, en arabe, pour nasrani, “chrétien”] sur le mur de notre maison, explique Salim. Toutes les maisons de chrétiens dans notre quartier ont été marquées de la même manière.»
Salim et sa famille n’étaient plus qu’à quelques jours de devoir fuir.
«Jusqu’au lait pour bébé»
Un matin, Fawaz a expliqué à son père que tous les magasins chrétiens étaient désormais fermés. Lorsque l’appel à la prière retentirait le jour même à midi, aucun chrétien ne devait plus être dans Mossoul. «Nous avons réveillé tout le monde et rassemblé nos affaires. Fawaz est monté dans une voiture, moi dans une autre», se souvient Salim.
Lorsque Fawaz s’est présenté au poste de contrôle de l’État islamique, il était entièrement vêtu de noir et avait une barbe longue. Les gardes n’ont pas fouillé sa voiture, pensant qu’il faisait partie d’une milice extrémiste, et l’ont laissé passer. Par chance, tous les documents, l’argent et les objets de valeur se trouvaient dans sa voiture.
Le traitement réservé à Salim et aux passagers de l’autre voiture a été bien différent. C’est dans cette seconde voiture que se trouvait la petite Fida. «J’avais tellement peur qu’ils me prennent ma fille, raconte Jollet, la mère de Fida et épouse de Fawaz. Ils nous ont tout pris, jusqu’au lait pour bébé.»
La famille a finalement été conduite à la périphérie de Mossoul, où elle a trouvé un taxi pour rejoindre Bakhdida, dans le Nord du pays. De nombreux autres chrétiens déplacés ont trouvé refuge dans d’autres régions d’Irak, parfois dans des camps de réfugiés.

Une famille qui épaule et soutient
Comme tant d’autres chrétiens déplacés et persécutés, la famille de Fida a fait l’expérience de Dieu et de son secours à travers la générosité de l’Église universelle.
Dès le début des déplacements massifs, le partenaire local de Portes Ouvertes en Irak a soutenu les familles déplacées: produits de première nécessité, aide alimentaire et matérielle ont permis de leur venir en aide.
Le soutien s’est poursuivi par des formations pour les jeunes, une éducation chrétienne pour les enfants (à laquelle Fida et ses deux sœurs ont participé) ainsi que des formations pour les femmes. Ces aides ont permis à des familles comme celle de Fida de traverser ces années difficiles.
Écho biblique
Cette histoire d’un bébé qui doit fuir sa ville natale sous la menace de la persécution n’est pas sans nous rappeler une autre histoire…
Jollet et Fawaz n’ont pas été les seuls à devoir fuir avec un nourrisson. Marie et Joseph ont eux aussi dû prendre la fuite, avertis par un ange du massacre à venir à Bethléem. Comme celle de Jésus, la naissance de nombreux enfants chrétiens dans le monde s’inscrit dans un contexte de répression, de peur, d’instabilité.

Aujourd’hui, Fida n’est plus un bébé. Cette jeune adolescente de 11 ans ne se souvient pas de sa fuite et ses parents ne lui en ont donné que peu de détails. En revanche, ils lui ont transmis leur foi: «Quand je vais à l’église, j’aime prier et demander à Jésus de protéger mon père, ma mère, mes grands-parents et tout le monde, confie Fida. J’aime parler à Jésus. Je Lui demande de nous protéger, de nous faire réussir et de guérir les malades.»
L’étoile, c’est la foi qui brille
Comme dans de nombreux endroits du monde, Noël en Irak est une période qui rassemble les familles, un temps de célébration et de joie. C’est ce qui compte le plus pour Fida: «Ce que j’aime le plus à Noël, c’est que nous décorons la maison et que nous sommes tous ensemble. C’est ce qui me rend heureuse.»

Lorsqu’on lui demande ce qu’elle souhaite dire à toutes les personnes qui prient pour les chrétiens en Irak, elle répond: «Que Dieu vous accorde la réussite. Soyez forts, vous réussirez. N’ayez jamais peur, car Jésus est avec vous. Je vous souhaite un joyeux Noël et une bonne année.»