Condamnés pour leur foi, cinq chrétiens iraniens cumulent 50 ans de prison. Derrière ce verdict, des parcours brisés et une pression constante sur leurs vies et leurs proches.
Le verdict est tombé: Joseph Shahbazian et sa femme Lida Shahbazian, Nasser Navard Gol-Tapeh, Aida Najaflou et une autre femme anonyme ont été condamnés à un total de 50 ans de prison par les autorités iraniennes. Les accusations qui les ont condamnés reposaient sur leurs pratiques religieuses (prière, célébration de baptêmes, participation à la communion, célébration de Noël).
La répression se poursuit depuis des années
Depuis des années, Portes Ouvertes relate les histoires de ces chrétiens. Tour à tour, ils ont vécu arrestations, condamnations et incarcérations dans la prison d’Evin, à Téhéran.
Le pasteur irano-arménien Joseph Shahbazian, grâcié en septembre 2023, et le chrétien Nasser Navard Gol-Tapeh, grâcié en octobre 2022, ont été arrêtés à nouveau en février 2025 après avoir passé, à eux deux, six années en prison pour des accusations liées à leur implication dans des églises de maison.
La première incarcération de Nasser avait attiré l’attention internationale, notamment avec son «adoption» par des parlementaires britanniques et la campagne #FreeNasserNavard, qui avait conduit à un reportage réalisé par la BBC. En mars 2025, Nasser a été victime d’un accident vasculaire cérébral après avoir entamé une grève de la faim pour protester contre sa réincarcération.
Aida Najaflou elle aussi avait déjà été incarcérée pour sa foi à la prison d’Evin, où elle s’est récemment fracturé la colonne vertébrale en tombant de son lit superposé. Cette chrétienne de 44 ans est atteinte de polyarthrite rhumatoïde et a été admise à l’hôpital pour la seconde fois, après qu’une plaie causée par son opération de la colonne vertébrale se soit infectée en prison.
Condamnés à des peines lourdes et arbitraires
Les détails précis du verdict n’ont pas encore été rendus publics, mais le média Article18 a pu confirmer que Joseph, Nasser, Aida et la troisième femme ont reçu des peines de 10 ans de prison. Quant à Lida, elle a été condamnée à 8 ans de prison.
Deux d’entre eux ont reçu des peines supplémentaires de 5 ans pour un second chef d’accusation de «rassemblement et collusion». Aida a également écopé d’une peine supplémentaire de 2 ans de prison pour des accusations de «propagande» liées à des publications sur les réseaux sociaux.
Les peines ont été prononcées par le juge Abolqasem Salavati, surnommé le «Juge de la mort», à l’issue d’une audience tenue le 21 octobre devant la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran, mais n’ont été communiquées aux intéressés que verbalement au cours des deux dernières semaines.
Les chrétiens disposent de 20 jours pour faire appel, et ils ont bien l’intention de le faire.
L’asphyxie financière comme arme judiciaire
En plus des peines de prison, les biens personnels des chrétiens, y compris des bibles et d’autres ouvrages chrétiens, ont été confisqués par le ministère du Renseignement à des fins de «recherche».
Cela s’était déjà produit plus tôt cette année dans une affaire impliquant deux chrétiens, Mehdi Rahimi et Kia Nourinia, condamnés chacun à 12 ans de prison pour «contrebande» de bibles.
Le directeur d’Article18, Mansour Borji, a déclaré que le procès de Joseph, Lida, Nasser et Aida «présentait de nombreux signes d’un manque de procédure régulière», tels que la longue détention des chrétiens et les montants de caution extrêmement élevés. Joseph, Aida et Nasser ont en effet été détenus pendant plus de sept mois avant d’être traduits en justice.
Dans le cas de Joseph, aucune caution n’a jamais été officiellement fixée, malgré des communications trompeuses adressées à sa famille à ce sujet, tandis que les familles d’Aida et Nasser n’ont pas été en mesure de payer leurs cautions – 130.000$ (soit 110.000€) pour Aida et 250.000$ (soit 215.000€) pour Nasser, ce qui constitue de loin le montant le plus élevé jamais exigé pour la libération temporaire d’un chrétien iranien.
La foi, une menace?
L’acte d’accusation à l’encontre de ces chrétiens commençait par une citation d’un discours prononcé en octobre 2010 par le guide suprême Ali Khamenei, dans lequel il identifiait la propagation des Églises de maison à travers l’Iran comme l’une des «menaces critiques» pesant sur sa République islamique.
Dans ce même document, le procureur précise que Joseph et Nasser reconnaissent leurs activités «illégales». Joseph considère que ces activités répondent «au commandement et à la volonté de Christ, à savoir transmettre le message de l’Évangile à toutes les nations et à tous les peuples du monde». Pour Nasser, «cette action fait partie de ma foi en tant que chrétien. Je souhaite apprendre la théologie chrétienne et la partager avec mes proches en Christ».
«Ces exemples montrent clairement que des chrétiens iraniens comme Joseph, Nasser, Aida, Lida et la cinquième chrétienne sont condamnés pour la seule raison de leurs activités chrétiennes ordinaires – notamment le désir de partager leurs convictions avec d’autres et de leur offrir la possibilité de lire la Bible», conclut Mansour Borji.
Source: Article18