
La décision des autorités du Tadjikistan s’inscrit dans une inquiétante tendance mondiale de retour forcé des réfugiés afghans dans leur pays désormais contrôlé par les talibans. Pour les chrétiens, le danger est existentiel.
Les autorités du Tadjikistan ont officiellement confirmé leur décision de rapatrier les réfugiés afghans dans leur pays, après avoir arrêté 150 d’entre eux, dont certains avaient pourtant le statut officiel de réfugié accordé par l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR). Cette semaine, l’ultimatum adressé plus tôt dans le mois à tous les réfugiés afghans, de quitter le Tadjikistan sous les 15 jours, a touché à sa fin.
Que va-t-il advenir de tous ces réfugiés qui ont fui l’Afghanistan en raison de la prise du pouvoir en 2021 des talibans, qui les expose à la violence?
Les minorités ethniques et religieuses particulièrement vulnérables
En Afghanistan, les minorités ethniques et religieuses comme les Ahmadis, les Chiites, les Hazaras, et les Chrétiens sont disproportionnellement ciblés par les talibans mais aussi par les groupes extrémistes État Islamique et ISKP (État islamique au Khorassan). Les femmes et les filles de ces communautés sont particulièrement vulnérables à la violence, aux mariages forcés et à la persécution en raison de leur religion ou ethnie.
Si des convertis au christianisme étaient découverts parmi les rapatriés de force en Afghanistan, ils risqueraient la prison voire la mort. Quand les talibans avaient pris le pouvoir en 2021, ils étaient allés jusqu’à faire du porte-à-porte pour retrouver les chrétiens afin de les torturer ou les tuer, faisant entrer leur pays à la première place de l’Index Mondial de Persécution des Chrétiens 2022.
Jan de Vries, spécialiste sur l’Asie Centrale pour Portes Ouvertes, s’alarme:
«Je suis profondément inquiet pour les femmes qui sont déportées: quel est leur avenir? Et j’ai une pensée toute spéciale pour ceux qui sont secrètement des convertis au christianisme. Rapatriés, ils vont devoir se cacher plus que jamais. Pour les chrétiens en particulier, ce rapatriement les place en danger de mort, alors que les talibans s’opposent à toute présence chrétienne dans leur pays.»
Le prétexte du trafic de drogue et de l’extrémisme
Dans leurs explications de la mesure, les autorités du Tadjikistan énumèrent les violations de la loi dont elles accusent les réfugiés : trafic de drogues, promotion d’idéologies extrémistes, soumission de fausses informations…
Selon la Khamaa Press News Agency, les expulsions ont séparé des familles (avec le cas d’enfants expulsés alors que les parents sont encore au Tadjikistan). De plus, certains Afghans renvoyés avaient un statut de réfugié en règle ou bien devaient être réinstallés au Canada.
Une indifférence mondiale ?
Le Tadjikistan ne semble pas être le seul pays à ignorer que les minorités ethniques et religieuses parmi ces réfugiés afghans risquent des traitements dégradants, voire la mort, en revenant dans leur pays sous contrôle des talibans. D’après l’UNHCR, plus d’un million d’Afghans ont dû revenir du Pakistan, et approximativement le même nombre a été expulsé d’Iran.