
Les violences au Manipur ne décroissent pas, malgré la démission du ministre en chef. Les chrétiens, eux, veulent «espérer contre toute espérance».
«Les jours ensoleillés de mai peuvent être étonnamment froids quand la nuit tombe» témoigne, un peu absente, Neinu (pseudonyme), une chrétienne indienne, pourchassée depuis deux ans. Elle fait partie de ces Kukis qui ont vu s’abattre sur eux dans la nuit du 3 mai 2023 la colère farouche de l’ethnie rivale, les Meiteis, dans l’État du Manipur. Cette nuit de violences a fait, à elle seule, 260 morts et 60 000 déplacés internes, selon l’ONG Human Right Watch.
Cette nuit-là, Neinu s’est d’abord cachée dans la chambre de ses parents, protégée par une force invisible qui empêchait la foule en colère d’escalader la grille de sa maison et de la tuer. Puis, avec l’aide de la police, elle s’est enfuie dans un camp de déplacés internes, avant de refaire sa vie dans un autre État.
Cette nuit-là, un autre chrétien, Lalboi, s’est également terré dans sa maison, toutes lumières éteintes, dans le silence le plus absolu, pour échapper aux coups de feu, aux explosions des réverbères, aux gaz et aux fumées envahissant l’atmosphère. Installé au Manipur depuis quatre générations, son père venait en aide aux enfants déscolarisés, aux familles sans ressource et aux malades privés de traitement médical. Mais tout cela a été balayé en une seule nuit.
Guerre civile larvée
Aujourd’hui, Lalboi décrit une situation de guerre civile larvée, entre les Meiteis majoritairement hindous et les Kukis essentiellement chrétiens. De nombreuses églises ont été brûlées. Les plus persécutés sont encore les Meiteis chrétiens, considérés comme des traîtres par les Meiteis hindous: ils ne peuvent plus exercer leur culte ni même prier dans leurs maisons.
Dans cette pseudo-guerre civile, les réseaux sociaux jouent un rôle catastrophique car ils attisent la haine. Selon Lalboi, «sur les réseaux sociaux, on scrute qui bénéficie du malheur des autres et nous célébrons les pertes de l’autre camp». Les «amis» sont devenus des cibles à abattre, les fakenews étant là pour mener une guerre en ligne qui semble s’être figée sur le terrain. Dans un tel contexte, le ministre en chef du Manipur, Biren Singh, a démissionné le 9 février dernier, et le Manipur a été placé sous tutelle fédérale. Cela suffira-t-il à stopper les violences, dans un contexte où des milices d’auto-défense pillent les réserves d’armes?
Dieu à l’œuvre en coulisse
L’archevêque de la capitale Imphāl, Mgr Linus Neli, appelle les nouvelles autorités à mettre en place «un plan d'action bien conçu et global, qui commence par la restitution des armes et la reprise du dialogue». Côté chrétiens évangéliques, on cultive aussi l’espérance. Ainsi, pour Lalboi:
«Les difficultés que nous avons traversées nous rappellent qu’il y a un sens à l’appel de Dieu» - Lalboi
Le jeune homme poursuit: «Nous avons de la valeur aux yeux de Dieu, et cela suffit à renouveler nos forces. Jérémie 33:3 est la devise de notre famille: ‘Invoque-moi, et je te répondrai’.» Neinu, quant à elle, s’appuie sur Romains 8:28: «‘Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein’. Dieu est à l’œuvre dans les coulisses pour notre bien, avec un dessein plus grand.» Joignons nos prières aux siennes pour les chrétiens du Manipur!