Le village d’Aïsha, situé au Nord du Nigéria, a été attaqué par une milice islamiste peule. En trouvant une bible dans sa maison, les extrémistes en ont conclu que son mari n’était autre que le pasteur local. Immédiatement, ils l’ont frappé et l’ont enlevé sous les yeux de sa femme. Ils ont ensuite battu Aïsha et deux des assaillants l’ont violée.

Un mois après la mort de son mari, le village de Rikiya a été attaqué et incendié par Boko Haram. Informée de la situation, Rikiya s’est enfuie et est restée en sécurité avec ses enfants dans un autre village. Après deux mois, ils sont retournés dans leur village. Ils ont tout perdu. «Lorsque je suis revenue, c’était très compliqué. Je suis veuve et j’ai trois enfants à charge», raconte la mère de famille, en essuyant ses larmes. 

«Cet évènement m’a traumatisée, j’ai perdu mon mari et notre village est détruit…»

Esther avait 17 ans lorsque les extrémistes du groupe Boko Haram ont attaqué son village de Gwoza. Ils l’ont enlevée et l’ont emmenée au cœur de la forêt de Sambisa. Durant leur captivité, les terroristes ont tout tenté pour qu’Esther et les autres jeunes filles chrétiennes renoncent à leur foi. Déterminée à ne pas céder, Esther était constamment violée par ses ravisseurs. Elle a donné naissance à une petite fille, Rebecca. Lorsque Esther fut délivrée un an plus tard, elle ne s’attendait pas à vivre à nouveau la persécution en retournant dans son village. «Les villageois appelaient mon enfant “Boko”», raconte la jeune fille. Même ses propres grands-parents l’ont accueilli avec froideur.

Les exemples tragiques de la persécution et de ses effets dévastateurs dans la vie de ces femmes sont malheureusement bien trop courants.

Violences sexuelles

L’un des facteurs les plus alarmants du rapport sur la persécution spécifique selon le genre qui vient d'être publié par Portes Ouvertes est la profusion de la violence sexuelle à l’encontre des femmes chrétiennes. Les pays d’Asie, du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et d’Afrique Subsaharienne sont les plus touchés par cette violence sexuelle.

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Dans certaines régions d’Asie, les chrétiennes sont victimes de la traite d’êtres humains. Elles sont enlevées et envoyées en Chine pour être achetées comme «épouses». Dans les pays du Golfe arabo-persique, des chrétiennes sont exploitées comme servantes. En Afrique Subsaharienne, les milices islamistes font régulièrement des raids sur des villages chrétiens, où ils  enlèvent des femmes pour en faire des esclaves sexuelles.

Le rapport mentionne le fait que la persécution vécue par les hommes chrétiens peut être caractérisée comme sévère et visible: violence physique, attaques contre leurs maisons et leurs commerces. La persécution vécue par les femmes est bien plus complexe, silencieuse et cachée.

À première vue, une femme persécutée montre peu de signes de sa persécution. Mais comme le souligne Hana, une chrétienne du Sud-Ouest de l’Asie, les filles et les femmes chrétiennes ont des blessures internes cachées qui ne peuvent être pansées. «Leur persécution n’est pas visible».

Violence et mariages forcés

Toujours selon le rapport, 81% des régions d’Afrique Subsaharienne sont touchées par la violence sexuelle. Les chrétiennes de ces pays, comme Aïsha, Rikiya et Esther, sont souvent victimes de violence physique. Elles peuvent également perdre la garde de leurs enfants, en plus d’être rejetées par leur communauté, voire expulsées de chez elles.

Lorsque ces différents types de persécution sont combinés, leur impact est considérable et déstabilise toute la communauté, notamment la jeune génération. Les groupes djihadistes comme Boko Haram, Al-Shabab ou l’État Islamique dans le Grand Sahara (EIGS) utilisent intentionnellement la violence sexuelle pour fragiliser les communautés locales. 

Par exemple, les agressions sexuelles qu’ont subies Aïsha et Esther au Nigéria sont considérées comme des viols par n’importe quel observateur de la zone (même les non-chrétiens). Pourtant, ces agressions ne sont pas considérées comme étant de la persécution religieuse. Mais les témoignages des victimes de ces agressions ne laissent aucun doute sur la volonté de ces groupes djihadistes d’éradiquer la présence chrétienne dans ces régions, et ce par tous les moyens.

Pour Boko Haram ou l’État Islamique, la violence sexuelle est l’arme principale dans leur combat.

L’Afrique Subsaharienne est aussi grandement touchée par les mariages forcés. L’objectif est d’isoler les femmes et les jeunes filles chrétiennes de leur communauté en les mariant de force avec des hommes non-chrétiens. Il est impossible de déterminer le nombre de femmes et de filles victimes de ces mariages.

Pour expliquer l’ampleur considérable de la persécution envers les femmes chrétiennes, Hana fait part de ses observations:

«Derrière chaque acte de persécution envers les croyants, toute une communauté, toute une ville, tout un pays est impacté par cette persécution. La mise à l’écart de la communauté et l’injustice religieuse amplifient ces actes de persécution et touchent la dignité même des femmes et des hommes chrétiens.»

À un niveau plus général, les chercheurs de Portes Ouvertes notent qu’une grande partie des chrétiens tués et des églises attaquées sont situés en Afrique Subsaharienne. C’est également le cas des enlèvements (exemples d’Esther mais aussi de Leah Sharibu et des 121 filles de Chibok), des agressions physiques ou psychologiques, ou des attaques envers des biens appartenant à des chrétiens. Les islamistes intégristes attaquent régulièrement les villages chrétiens pour y enlever des femmes, afin d’en faire des esclaves sexuelles.

Lorsque l’une de ces femmes revient dans sa communauté après plusieurs années, les villageois la considèrent souvent comme une ennemie, tout comme ses enfants nés des années d’esclavage. En Centrafrique, le rejet communautaire est très fort: les femmes sont désormais considérées comme étant des «femmes sélékas». Au Nigéria, les bébés nés de viols sont appelés «les enfants de Boko». 

Enlèvements 

Ruth a été enlevée, violée, et mariée de force pour l'obliger à renier sa foi.

Au Nord-Est du Nigéria, les attaques contre les femmes et filles chrétiennes sont particulièrement violentes. Dans cette zone, les femmes sont considérées comme inférieures aux hommes, ce qui accentue les abus à leur égard.

Boko Haram, l’État islamique au grand Sahara (EIGS) et les milices islamistes peules terrorisent les villages chrétiens de la région en enlevant les femmes pour en faire des esclaves sexuelles et les marier à des musulmans. Certaines sont échangées contre des rançons et d’autres sont parfois tuées. Dans certains cas extrêmes, des jeunes filles sont capturées pour être utilisées comme bombes humaines dans des attentats.

Ces attaques ont pour but de déchristianiser cette région à majorité chrétienne.

Les lois de ces régions alimentent le problème des mariages forcés puisqu’il est possible de marier des enfants. Avec la peur, certains parents chrétiens marient leurs filles très jeunes pour leurs donner une certaine forme de «protection».

Les élèves chrétiennes des États du Nord du pays sont obligées de porter des vêtements conformes à la charia. Dans l’État de Kano, toutes les jeunes filles doivent porter le hijab.

Pour éviter qu’elles soient enlevées sur le chemin de l’école, les parents gardent les jeunes filles à la maison. Beaucoup sont ainsi sous-éduquées et ignorantes de leurs droits. Certaines filles sont envoyées dans des États où il n’y a pas la charia par leurs parents pour y étudier.

Lorsque des jeunes filles sont enlevées, la tristesse est énorme dans les familles, notamment pour les hommes qui se culpabilisent de ne pas les avoir protégées. Ces drames créent de grands traumatismes dans ces familles, d’autant qu’elles sont stigmatisées par leur communauté. Très vite, les problèmes peuvent s’accumuler, comme le manque d’argent.

Dans ces régions où les hommes chrétiens sont fréquemment tués, les veuves sont nombreuses. Elles portent seules leur famille. Or, elles sont souvent stigmatisées dans la communauté, ce qui fragilise souvent l’équilibre précaire de ces sociétés manquant d’hommes.

Programme d’assistance psychologique

Portes Ouvertes est engagé dans le soutien de ces femmes persécutées car nous pensons que l'un des moyens les plus puissants d'avoir un impact sur toute une communauté vulnérable est d’aider ces femmes. 

Pour cela, comme pour Esther, Aïsha et Rikiya, Portes Ouvertes accompagne de nombreuses chrétiennes par une assistance psychologique, un hébergement, un secours d’urgence, une lettre d’encouragement ou encore par un soutien financier à des projets.

Portes Ouvertes a, par exemple, apporté un soutien psychologique et un microcrédit à Rikiya, pour l’aider à se reconstruire, ainsi que sa famille. Elle témoigne: 

«Vous m’avez apporté l’espoir et la guérison. Honnêtement, je ne sais pas ce que j’aurais fait sans vous. Cela m’a rapprochée de Dieu, comme jamais auparavant.»

Après avoir suivi de nombreux conseils en traumatologie, Aïsha revit à nouveau.

«Si je n’avais pas participé à ce programme, je ne sais pas comment ma vie aurait été. Je serais encore dans la souffrance aujourd’hui car il n'y a personne autour de moi pour me fortifier et m'encourager. Je suis tellement reconnaissante pour cet amour et cette compassion que vous [Portes Ouvertes] nous avez montrée», raconte Aïsha.

«Je remercie le Seigneur car j'ai vu son amour. Je veux montrer cet amour aux gens autour de nous.»

Esther a aussi trouvé un nouvel espoir grâce au soutien de Portes Ouvertes.

Pour aller plus loin

  • La violence est répandue et spécifique au genre: 82 % des pays indiquent la violence physique comme principal point de pression pour les hommes, et 84 % ont mentionné la violence sexuelle comme principal point de persécution pour les femmes.
  • La violence sexuelle enferme les femmes et les filles chrétiennes persécutées dans une situation de solitude à vie: dans les pays où il est le plus difficile de vivre en tant que chrétiens, les femmes et les filles subissent la persécution comme une sorte de «mort tout en restant vivante» car les souffrances occasionnées sont invisibles (viols, mariages forcés, assignations à domicile). Dans ces cas, la violence sexuelle est utilisée à la fois comme une forme de domination et de punition.
  • La conscription dans les milices vise à détourner les hommes et les garçons chrétiens de leur foi: dans 66% des pays, la conscription ciblée dans les milices place les hommes dans des contexte où leurs actions vont profondément à l'encontre de leurs croyances et de leurs valeurs chrétiennes. Cela provoque de la culpabilité. La capacité des églises à garder la paix dans ces régions est alors compromise. En Amérique latine, les cartels contraignent les jeunes hommes à servir des dirigeants violents. En Afrique Subsaharienne, les milices enrôlent les jeunes hommes dans des groupes djihadistes.
  • La prise de conscience et la réponse de l’Église pourraient préserver les jeunes pour l’avenir: armés de la connaissance des stratégies utilisées contre eux, les responsables d'églises pourraient prendre des mesures pour protéger leurs jeunes, en particulier en éloignant les jeunes visés par la violence de leur communauté.
    Rikiya a reçu une aide psychologique et un micro-crédit

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