Les chrétiens de Malaisie sont en majorité soulagés par le résultat des élections anticipées organisées le 19 novembre 2022 dans leur pays. Le chef de l’opposition, Anwar Ibrahim, a été nommé Premier ministre par le Roi. Son parti, Pakatan Harapan (l’Alliance de l’Espoir), a obtenu 82 sièges au Parlement, soit la majorité relative. 

Les chrétiens soutiennent leur nouveau Premier ministre: il est à la tête d’un mouvement réformiste et multi-ethnique, loin du nationalisme malaisien du parti conservateur UMNO et loin de l’identification nationale à l’Islam du Parti islamique (PAS). Anwar Ibrahim tient des discours d’égalité entre tous les Malaisiens, quelle que soit leur origine et leur religion. Il a d’ailleurs promis de choisir un Indigène pour être vice-premier ministre.

Charia et corruption

Le parti UMNO avait dirigé la Malaisie sans interruption depuis l’indépendance du pays en 1957. Jusqu’à sa défaite historique en 2018, sur fond de scandales de corruption à grande échelle. Ont suivi quatre années d’instabilité politique avec l’émergence du parti islamique (PAS) favorable à l’application stricte de la charia. D’où l’inquiétude des partenaires locaux de Portes Ouvertes:

«La Malaisie est censée être un État laïc. Mais elle prend petit à petit les formes d’un État islamique.»

La campagne électorale de 2022 a été marquée par des discours de haine contre les minorités ethniques et religieuses. Pour le leader du PAS, les électeurs ne votant pas pour son parti «iraient en enfer». Un autre militant du PAS s’était dit prêt à «égorger les ennemis de l’Islam». Tous deux ont par la suite présenté leurs excuses.

Diaboliser les chrétiens

Muhyiddin Yassin

L’ancien Premier ministre Muhyiddin Yassin (photo) a accusé les chrétiens de vouloir «christianiser la Malaisie» dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux. Il estimait que le parti Alliance de l’Espoir était «très dangereux»: s’il gagnait les élections, on assisterait à un «processus de christianisation» à travers une «stratégie à long terme». Un discours qui visait à diaboliser les chrétiens dans un pays à 60 % musulman. La Conférence des Églises en Malaisie avait condamné ses propos, estimant qu’ils «créaient des tensions et des conflits raciaux et religieux». Le Roi lui-même avait appelé à l’apaisement en condamnant une telle «incitation à la disharmonie raciale».

Un partenaire local de Portes Ouvertes s’inquiète toujours aujourd’hui de ces «insultes raciales et discours de haine». Il apporte tout son appui au «nouveau gouvernement qui soutient l’égalité et condamne la disharmonie», avant de conclure:

«Les chrétiens de Malaisie devraient affirmer leurs droits haut et fort et prendre position pour défendre la paix et l’harmonie dans ce pays.»

Mais comme le parti islamique PAS est arrivé en deuxième position (avec 73 sièges) aux élections de novembre, rien n’empêche qu’il forme demain une nouvelle coalition. Elle pourrait renverser le Premier ministre tout juste nommé, Anwar Ibrahim, et son Alliance de l’Espoir. Serait-ce alors la fin de l'espoir pour les chrétiens?