Michael, 29 ans vit aujourd’hui avec son épouse Yobala, âgée de 24 ans, et leur fille d’un an. La fin de l’année 2024 a marqué un tournant douloureux pour lui. Cette année-là, ses parents et son frère ont quitté l’Irak, probablement pour toujours. Entre 2009 et 2018, plusieurs oncles, tantes, cousins et amis ont aussi fui. Michael se rappelle particulièrement d’un drame: un oncle et un autre parent, tous deux chrétiens, ont été enlevés, torturés et tués malgré le paiement d’une rançon. Ce choc a poussé plusieurs membres de la famille à s’exiler. Comme beaucoup d’autres chrétiens, ils ont fui un avenir qu’ils voyaient invivable.

«Dire au revoir à sa famille, c’est une épreuve émotionnelle épuisante, soupire Michael. Un ami est parti au Canada sans me dire adieu, pensant revenir… mais il n’est jamais revenu.»

Un Noël de séparation et de larmes

Le départ de ses parents, un soir de réveillon de Noël, a laissé un vide immense. Alors que Noël est normalement un moment de joie pour les chrétiens d’Irak, cette année-là, il a été synonyme de deuil. Il constate avec tristesse:

«Personne n’est venu nous rendre visite. Et je pense que plus personne ne viendra»

Sa femme aussi souffre: trois oncles, trois tantes et plusieurs amis à elle ont également quitté le pays.

«Prends soin de toi, mon fils», furent les derniers mots que sa mère en larmes lui adressa. Michael se tait, se couvrant le visage d’une main pour cacher son chagrin. Il se souvient des repas partagés, des sorties en famille, des moments de complicité avec son frère.

«On se disputait, c’est vrai, mais j’étais très attaché à lui», dit-il avec un sourire nostalgique.

Michael, plongé dans les souvenirs d'un album de photos de famille.

Aujourd’hui, il parle régulièrement à ses parents, malgré les huit heures de décalage horaire. Il rit lorsqu’il remarque qu’ils ont parfois cuisiné le même plat sans se consulter.

«Dieu m’a donné une fille merveilleuse. Elle est très proche de moi et je l’aime profondément, déclare-t-il les yeux brillants. Mon rêve est qu’elle ait une vie pleine de joie, à l’inverse de la mienne.»

Un quotidien difficile marqué par la discrimination

Diplômé en gestion bancaire en 2012, Michael n’a jamais pu exercer dans son domaine. Il a changé plusieurs fois d’emploi, et aujourd’hui, il est au chômage. Il évoque le népotisme et la discrimination religieuse comme principaux obstacles. «Un employeur a demandé à des chrétiens de nettoyer le jardin, alors que ce n’était pas leur tâche, ignorant les autres employés non chrétiens. Très peu de chefs d’entreprise embauchent des chrétiens», raconte-t-il.

Sa famille vivait à Mossoul jusqu’en 2007. Après l’invasion américaine de 2003, la ville est devenue particulièrement dangereuse pour les chrétiens. Michael, alors âgé de 12 ans, a été contraint par des enfants de son quartier à se convertir à l’islam. Il se rappelle aussi de trois événements tragiques: un chrétien tué pour avoir accueilli des soldats américains, un autre exécuté sur simple confirmation de sa foi, et sa cousine, sauvée in extremis d’un enlèvement grâce à un rêve dans lequel un ange lui disait de ne pas aller à l’université ce jour-là.

Les bombardements et attentats n’épargnaient personne. Une voiture piégée et un tir de mortier ont frappé près de chez lui. Par miracle, la famille a été épargnée. Ces événements les ont poussés à fuir Mossoul pour s’installer à Dashqotan, un village chrétien de la plaine de Ninive.

La montée du groupe État Islamique en 2014 a été un tournant dramatique. Plus de 120.000 chrétiens ont fui la plaine de Ninive, mettant fin à une présence historique dans la région. La population chrétienne en Irak est passée d’environ 1,5 million en 2003 à 200.000 aujourd’hui.

«Mon espoir, je le puise dans le Seigneur Jésus-Christ», confie Michael. Il trouve du soutien dans son église qui lui offre parfois des paniers alimentaires ou une aide financière. Il prie pour rejoindre un jour ses parents.

S’il en avait l’occasion, il quitterait l’Irak, non par envie mais par nécessité. «C’est notre pays d’origine, mais quand ton pays ne t’offre aucun avenir, tu songes à partir.» Il pense à l’avenir de sa fille, à son éducation, à ses besoins.

Servir malgré tout, enseigner pour l’avenir

Michael est sous-diacre dans son église. Il assiste le prêtre pendant la messe, notamment dans les villages chrétiens. Chaque été, depuis sept ans, il enseigne bénévolement la Bible aux enfants et leur apprend le syriaque, langue ancienne utilisée par les chrétiens d’Irak et de Syrie. Il aime chanter à l’église et ressent une paix intérieure dans le service. «Dieu m’a appelé à servir, ce n’est pas un choix personnel», dit-il. Il est peiné de voir les églises presque désertes. «Cela montre à quel point l’Irak s’est vidé de ses chrétiens.»

Les bancs de l'église se sont vidés au fil des ans.

Un témoignage de foi et d’espérance

Il pense que l’Église est un refuge indispensable pour les chrétiens. Elle les rassemble, les soutient, et peut incarner une lumière dans la société irakienne à travers l’amour, la cohabitation et l’exemplarité.

« Aimez-vous les uns les autres », cite-t-il de la Bible.

Dans ce contexte, le soutien des partenaires locaux de Portes Ouvertes a eu un impact réel pour la communauté chrétienne encore en Irak. Ce soutien a permis la restauration de bâtiments ecclésiastiques détruits par Daech, la mise en place de formations en informatique et en langue kurde. Le soutien a aussi permis de maintenir la chorale ou le club de lecture chrétien pour les jeunes.

Michael nous demande de prier pour l’Irak, pour l’unité de l’Église, pour la paix entre les religions, et pour que les chrétiens se rapprochent de Dieu. Il prie pour sa famille, que Dieu leur accorde bénédictions et réussite alors qu’il se sent de plus en plus isolé.

Si Michael affiche sa foi, ce n’est pas le cas de tous les chrétiens en Irak. Beaucoup cachent leur rencontre avec Jésus. Ils lisent la Parole et prient en secret. Vous pouvez soutenir ces chrétiens secrets par vos dons et vos prières.