Henry* est au travail. On frappe à la porte. Il ouvre et se trouve face à un groupe d’hommes armés. Henry demande :

«Vous êtes des policiers ?»

- Non.

- Qui êtes-vous, alors ?

- Tes assassins.»

Puis tout est devenu noir.

En captivité

Les hommes faisaient partie du groupe islamiste Maute, qui avait fait allégeance à l’État islamique en 2015.

«Ils m’ont bandé les yeux et m’ont poussé dans une camionnette. Nous avons roulé environ une heure. Puis ils m’ont fait entrer dans une chambre. Quand ils ont enlevé mon bandeau, j’ai vu 18 autres otages. L’un des captifs était Chito Suganob (un prêtre catholique dont l’enlèvement avait été rapporté dans les médias). Il encourageait et réconfortait les prisonniers. Mais bientôt, on l’a emmené ailleurs», se souvient Henry.

«Chaque seconde qui passait, nous priions»

«Dans le bâtiment, il y avait 300 hommes armés appartenant à Maute. Chaque seconde qui passait, nous priions pour nos ravisseurs, pour nos familles. Après le départ de Chito, nous nous encouragions les uns les autres», raconte Henry.

Chaque jour, ces otages étaient confrontés au sang, à la violence et à la mort. 

«Des gens ont été décapités sous mes yeux. Mais j’ai réprimé mes émotions pour ne pas devenir fou.»

Pendant qu’il parle, Henry n’a pas de larmes aux yeux. Il fixe seulement le mur devant lui d’un regard vide. De temps à autre, il s’interrompt pour chercher le mot juste.

Malgré toutes les incertitudes de sa condition d’otage, Henry était certain d’une chose : Dieu a le pouvoir sur tout. «Je croyais déjà avoir perdu ma famille, mais j’ai placé toute ma confiance en Dieu», dit-il.

Ultime étincelle d’espoir

Huit jours après son enlèvement, Henry avait perdu tout espoir de survivre : «Ce matin-là, deux personnes avaient été exécutées. J’avais entendu dire que, mes compagnons et moi, nous allions être les suivants.» 

Une dernière étincelle d’espoir vint de la porte coulissante juste à côté de lui. Oui, il y avait 300 hommes armés et Henry avait les mains liées. Mais il pouvait courir ! Peut-être avait-il une chance de survivre ?

«L’otage à côté de moi a dû penser la même chose. Il a tiré sur la porte coulissante et, à notre grande surprise, elle n’était pas verrouillée. Mais elle était bruyante. Les gardes l’auraient entendue immédiatement. Puis les bombardements ont commencé. Nous avons compris que personne n’entendrait si nous ouvrions la porte à ce moment-là. Alors nous l’avons ouverte. Devant la porte, les gardes étaient en train de se mettre à l’abri.» Henry et les autres n’avaient pas d’autre option. Ils ont dû passer devant ces gardes et courir de toutes leurs forces. Henry a entendu des coups de feu, des cris et des gens tomber à terre.

Enfin libre !

Parvenus à une distance suffisante, Henry et les neuf autres survivants se sont libérés de leurs liens. Ensuite, ils ont plongé dans une rivière et se sont laissé porter par le courant pendant plus d’une heure avant d’être secourus par des militaires. Après les avoir longuement interrogés pour s’assurer qu’ils n’étaient pas des terroristes, les soldats les ont laissés repartir. Henry était vivant et libre : «Je ne peux pas décrire la joie de revoir ma famille. Dieu nous a donné une nouvelle opportunité de le connaître encore mieux !»

Plus de 40 ans de conflit sur l’archipel de Mindanao

Le siège de Marawi a duré cinq mois, de mai à octobre 2017, avec un bilan de 1 100 morts. Plus de 400 000 personnes ont fui la ville, en grande partie détruite. Des dizaines de milliers d’habitants vivent encore aujourd’hui dans des abris provisoires. Plusieurs groupes extrémistes violents sévissent à Mindanao. Depuis plus de 40 ans, ils mènent des rébellions pour l’indépendance de cette province. Le dimanche 27 janvier 2019, deux jours seulement après l’approbation de l’autonomie de la région, un double attentat terroriste a frappé la cathédrale de Jolo, faisant plus de 20 morts et 110 blessés.

*Pseudonyme